CIU - Cercle Inter Universitaire




 

Réflexions suite à la présentation du plan d`investissement France 2030


Le président de la République a présenté en ce mardi 12 octobre 2021 le plan d’investissement France 2030 d’un montant de 30 milliards d’euros dont près de la moitié sera consacré à la Transition écologique.

Deux axes prioritaires : L’hydrogène vert et le nucléaire.

Le Président a dit sa volonté que la France devienne leader sur cette technologie en 2030, ce que la ministre de l’Industrie Bruno Le Maire avait déjà annonce devant le Conseil national de l’hydrogène le 30 septembre 2021.
 

Le Président a souligné la nécessité d’investir massivement dans l’hydrogène vert et a dit pouvoir compter sur deux gigafactories d'électrolyseurs et produire massivement de l'hydrogène d'ici à 2030.

Deux milliards d'euros supplémentaires sont ainsi garantis par ce plan d'investissement. Ils s'ajoutent aux 2 milliards déjà débloqués dans le cadre du plan de relance 2020. Ce qui signifie que sur les 7 milliards d'euros promis dans le cadre de la Stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène, 4 milliards sont financés.

Cette politique s’inscrit dans le cadre de la stratégie bas carbone de notre pays qui consiste a baissé nos émissions de gaz à effet de serre de 35% entre 2015 et 2050, nous n’en sommes qu’à 5%.

Il apparait aujourd’hui qu’il ne peut y avoir de décarbonation de l’industrie et des transports lourds sans développement à grande échelle de la production de l’hydrogène vert et sans mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

La stratégie hydrogène a pour but de structurer une nouvelle filière industrielle française porteuse d’avenir tant d’un point de vue technologique qu’en terme d’emplois. Cette filière d’avenir devrait permettre de créer 150 000 emplois à l’horizon 2030.

Le gouvernement a choisi de développer deux axes celui de la mobilité lourde et celui de l’industrie.

900 000 tonnes d’hydrogène sont utilisées chaque année en France par l’industrie et produite en très grande majorité fabriqué par vaporeformage de méthane ce qui induit une émission de 10 tonnes de dioxyde de carbone par tonne d’hydrogène produit. Cette fabrication participe à hauteur de 3% de nos émissions de GES.

L’autre secteur est celui de la mobilité lourde, poids lourd mais aussi bus voir train. De nombreux projets voient actuellement le jour en région en France. Le transport est responsable de près de 28% de nos émissions de GES.

Le gouvernement a fait le choix de développer le plan hydrogène en fonction des usages ce qui est une excellent idée. Il ne faut pas fabriquer de l’hydrogène pour la stocker sans usage derrière car ce serait un échec économique.

Ce développement devra être fait au niveau des territoires ce qui est une excellente chose puisque les usages se situent à ce niveau-là.

L’approche est graduelle et large, elle intègre la recherche et développement française. De nombreuses PME-PMI françaises travaillent sur des briques technologiques, elles ne demandent qu’à se développer.

Le gouvernement veut inciter la création d’une giga-factory française de fabrications d’électrolyseurs ce qui est une excellente chose. Mc Phy dispose déjà de nombreuses technologies en particulier la technologie alcaline même si elles ne sont pas développées uniquement en France mais en Allemagne avec des ingénieurs français, et fabriqué en Allemagne et en Italie. L’annonce de l’installation d’une gigafactory à Belfort est une très bonne chose. Elle fabriquera des électrolyseurs de 1MW, 2MW, 5 MW jusqu’à 15 MW. Le nord Franche-Comté est particulièrement bien doté avec le choix fait par Faurécia de construire une usine de fabrication de réservoir d’hydrogène à Allenjoie dans le Pays de Montbéliard. Symbio a annoncé la construction de sa future usine de construction de pile à combustible sur la commune de Saint Fons au sud de Lyon. Symbio prévoit d’y produire jusqu’à 200 000 stackpacks chaque année et de devenir leader dans ce domaine d’ici 2030. Ce ne sont que quelques exemples.

Voici quelques propositions que je me permets de soumettre dans le cadre du développement de cette filière.

Propositions : Il serait nécessaire de développer la technologie PEM en France.

Au niveau ferroviaire, les piles à combustible nécessaire doivent être de grandes puissances et la société symbio travaillent au développement avec des technologies matures d’ici quelques années. Symbio devrait devenir un acteur majeur de la fabrication de piles à combustibles.

Informations : Symbio travaille sur des piles de grande puissance adaptée au ferroviaire

La filière française a besoin de se développer et de se structurer et cette stratégie devrait y participer de manière importante.

J’aimerais cependant et au regard de mon expérience dans le domaine de l’hydrogène en tant qu’enseignant chercheur, vous mentionner quelques points de vigilance.

En effet, l’Allemagne a souvent été citée en exemple lors de cet échange. La problématique entre nos deux pays est très différente. L’hydrogène apparait comme le meilleur et presque le seul moyen de stocker massivement de l’électricité, c’est la raison pour laquelle l’Allemagne qui dispose de nombreuses éoliennes en particulier dans le nord du pays alors que ses besoins sont au sud envisage ce type de stockage.

La France a une problématique différente puisqu’elle possède une électricité fortement décarbonée grâce au nucléaire. L’hydrogène nous servira avant tout pour les usages dans les transports, l’industrie voire le bâtiment. Dans ces domaines, le développement technologique est encore peu important.

L’idée est d’aller sur de l’hydrogène décarbonée et peut être pas exclusivement vert donc à partir d’énergie renouvelable.

La majorité des projets territoriaux privilégient ce type d’hydrogène pour des raisons de coûts. Il est extrêmement important de veiller à la compétitivité des technologies, cela passe bien entendu par de l’industrialisation mais avant il faut encourager les technologies « balbutiantes » à destination des transports, de l’industrie mais pas uniquement.

L’hydrogène a aussi un rôle à jouer en terme de régulateur de réseau en leur apportant une certaine flexibilité et c’est un aspect jamais ou très peu évoqué.

Le développement à très grande échelle de l’électricité dans le domaine des transports mais aussi dans le bâtiment, nous invite à nous poser des questions sur la capacité de notre réseau à pouvoir fournir mais aussi intégrer de grande quantité d’électricité sur un temps assez court.

Un sujet devient aussi absolument crucial, c’est celui de la formation dans ces domaines. S’il existe quelques formations d’ingénieur et un fort développement dans le domaine de la recherche, il n’existe encore quasi aucune formation dans le domaine de l’installation et de la maintenance de ces systèmes. Il est donc urgent de développer des formations du bac professionnel au technicien installation, maintenance, gestion des systèmes hydrogène dans tous les domaines sus cités.

Enfin, il me semble aussi nécessaire de proposer une acculturation à l’hydrogène. Trop d’élus que ce soit au niveau des collectivités territoriales, régionales ou nationales n’osent pas aller sur ces technologies par méconnaissance. Apporter une culture sur ce sujet me semble primordial si l’on veut assurer un succès à ces technologies.

 

Brigitte Vu

Membre du cénacle Biodiversité
Ingénieur
Auteur de nombreux livres sur ces questions
Enseignant-chercheur