I. En France
En matière de migration, un nouveau mot provenant du milieu anglo-saxon vient de faire son apparition : l’inclusion. A priori, rien de choquant. D’autant que ce mot apparaît dans de nombreux secteurs de notre vie quotidienne depuis déjà quelques années.
L’idée d’inclusion invite les individus à modifier leur comportement vis-à-vis des minorités (handicapés, femmes…) pour qu’elles se sentent incluses dans la société. Pourquoi se méfier ?
Jusqu’à un passé récent, il était demandé aux personnes migrantes de « s’assimiler ». Ce mot est devenu un mot tabou au fil du temps. Pourtant dans « assimiler », il y a le mot « similaire » qui veut dire semblable et non pas « identique ». Mais sans doute le jeu n’a-t-il pas été joué suffisamment par la population accueillante et les nouveaux arrivants pour que cela soit un succès pour tous.
Puis le mot « assimilation » a été remplacé par un mot plus politiquement correct : le mot « intégration » dont le contraire est la « ségrégation ». L’intégration s’effectue du point de vue individuel. Elle favorise la liberté individuelle, souvent la liberté de conscience, le libre arbitre. C’est un désir d’ouverture sur le pays d’accueil sans renoncer à sa propre culture. C’est la capacité à construire ensemble plutôt que de vivre côte à côte en s’ignorant.
Au contraire, l’inclusion ne semble pas requérir une adaptation quelconque du migrant ou de la société accueillante si ce n’est une acceptation mutuelle sine qua non. Dans le respect des différences, mais côte à côte. Dans la même société, mais séparément. Ce modèle de société est-il un modèle auquel nous aspirons ? Les mots ont un sens et un bagage culturel. Soyons vigilants quant à l’emploi de nouveaux termes à la mode dont nous ignorons parfois les implications.
II. Sur le plan européen
Les Institutions européennes organisent régulièrement des réunions de travail à haut niveau dans différents secteurs de réflexion sur des sujets présentant un intérêt pour l’Union et ses citoyens. Parmi eux figurent les groupes de travail concernant l’article 17 du traité européen de 2007, appliqué à partir de 2009. Que dit l’article 17 : « …offrir une base juridique inédite pour un dialogue régulier, ouvert et transparent entre les institutions de l’Union européenne, d’une part, et les églises, les associations religieuses et les organisations philosophiques ou non confessionnelles, d’autre part. ».
Les associations non confessionnelles ont beaucoup bataillé pour obtenir l’égalité de traitement avec les associations confessionnelles. Pendant plusieurs années nous avons été invitées séparément. Depuis peu, nous sommes invitées ensemble.
Les thèmes sont variés (l’Erasmus des religions (et oui !), le pacte vert, la liberté de conscience qui se transforme peu à peu en liberté de religion, etc.). En mai dernier, nous avions à travailler sur le thème : « Integration and inclusion ». A partir des documents qui nous ont été fournis, il apparaît nettement qu’un glissement sémantique a été opéré. Le concept d’inclusion se banalise en matière d’immigration et nous fait prendre conscience que, progressivement, les institutions européennes se laissent envahir par des conceptions philosophiques à caractère communautaristes et anglo-saxonnes.
Vouloir rapprocher les mots « intégration » et « inclusion » est trompeur. L’inclusion est souvent le fruit de l’échec de l’intégration culturelle. C’est permettre aux migrants de rester enfermés dans leur culture. Cela diminue donc leur champ de liberté individuelle. Cela favorise la méconnaissance de l’autre, le rejet de l’autre réciproque par méconnaissance, c’est contraire à l’esprit et à la lettre de la Charte des Droits fondamentaux, et amène à des comportements à caractère raciste qui font penser spontanément à une forme de ségrégation.
Mon sentiment est que le mot « inclusion », d’origine anglo-saxonne, est un mot dangereux, à relent communautariste, et contraire à l’héritage culturel, religieux et humaniste de l’Europe tels que décrits dans le traité européen.
III. Conclusion : Si je devais utiliser une métaphore pour résumer en deux lignes mon propos : l’assimilation fait penser à l’image triviale du migrant mettant ses deux pieds dans le pays d’accueil, l’intégration un pied dedans et un pied dehors, et l’inclusion les deux pieds à l’intérieur de son cercle d’origine.
Les mots représentent des idées. Pour changer les comportements, il faut choisir les bons mots. L’inclusion c’est le constat de l’échec de l’intégration. Il faudrait donc éviter son emploi en matière de migration et mettre en lumière le mot « intégration », mot bien plus prometteur et consensuel pour le bonheur de tous sur les plans économique, social et culturel.
Mireille Raunet