Rappelons tout d’abord quelques principes
Un État est dit fédéral lorsque les collectivités territoriales qui le composent sont dotées en matière constitutionnelle, législative et juridictionnelle, d’une autonomie telle qu’elle mérite, elle-même, le nom d’État. L’Etat fédéral est donc un État composé d’Etats fédérés. Ce n’est pourtant pas un Etat unitaire décentralisé puisque les Etats fédérés disposent d’un pouvoir d’auto-organisation. Cependant, parce que l’Etat fédéral fixe la programmation d’ensemble, il prend inévitablement une place de plus en plus importante.
Un Etat confédéral au contraire est une association volontaire d’Etats dont l’existence et le fonctionnement sont simplement régis par un traité international où chaque partenaire accepte de coopérer avec les autres, dans certains domaines (la monnaie, la culture, les échanges économiques, les infrastructures communes) tout en conservant sa propre souveraineté (armée, police, justice, politique étrangère). Les institutions de la confédération sont donc réduites au minimum et les décisions ne peuvent être prises qu’à l’unanimité.
L’Union Européenne prend certes de plus en plus d'importance depuis sa création. Ce n’est pourtant pas encore un Etat fédéral mais une union intergouvernementale et supranationale composée de vingt-sept pays alors que la Suisse, contrairement à ce que laisse penser son ancien nom de Confédération Helvétique, est devenue au contraire depuis 1848 un véritable Etat fédéral.
Notre difficulté réside dans le fait que nos Nations chargées d’histoire, différentes par les langues, la culture, les mentalités, les guerres qui nous ont si longtemps opposés sont difficilement solubles dans un moule unique et l’aspiration des peuples à conserver leur souveraineté est extrêmement forte.
Certaines des dispositions actuelles de l’UE sont donc violemment critiquées. Sa technocratie pesante et coûteuse, son implication judiciaire trop grande, son incapacité à gérer les flux de populations aux frontières, son intervention dans d’innombrables directives touchant aussi bien les fromages au lait cru que l’autorisation donnée à certains pesticides, sa volonté d’intervenir dans des domaines allant à l’encontre de certains intérêts nationaux, l‘énergie par exemple, son incapacité à organiser une défense européenne indépendante et sa soumission à l’OTAN contestée par quelques Etats membres.
Pas facile de s’exonérer de 2000 ans d’histoire ou comme nous venons de le voir de s’amputer d’une partie de l’Europe pour obéir aux injonctions américaines.
Mais dans le même temps les peuples européens veulent la paix et d’abord à l’intérieur de leurs frontières. Ils sont conscients que sans une action commune d’importance ils seront bientôt envahis par les flux migratoires d’Afrique et du Proche-Orient. Ils mesurent la nécessité de se réindustrialiser et ne croient plus au mythe de la mondialisation heureuse qu’on a voulu leur imposer. Ils prennent conscience de l’évolution du monde, de l’exode des cerveaux qu’ils ne sont souvent pas capables de retenir et donc de la nécessité d’une plus grande coopération entre les Etats Membres, et d’une régulation commune empêchant des compétitions sociales, fiscales et environnementales intra-communautaires.
Il faut donc trouver le moyen de renforcer nos coopérations, d’empêcher les concurrences inadmissibles, de favoriser les échanges intra-européens, d’avoir une attitude commune envers le reste du monde tout en évitant une avalanche bureaucratique insoutenable, une superstructure trop lourde et des interventions intempestives dans l’organisation interne des Etats.
Ce qui nous rapproche dans le monde si complexe qui s’avance, est tellement plus important que ce qui nous divise que les forces centrifuges qui ont entraîné le Brexit (et l’aimant américain qui a su attirer une petite majorité (51.9%) d’Anglo-Saxons dont beaucoup aujourd’hui le regrettent) ne seront sans doute plus à l’ouvrage de sitôt sauf si le parapluie américain réclamé par les Européens de l’Est terrifiés par la proximité de la Russie, finit par faire éclater l’Union au profit de la Pax Americana.
Lorsque les échanges industriels et commerciaux, la liberté d’installation sous réserve du respect des lois nationales, les échanges intra-européens des jeunes, la conformité progressive des règles fiscales et sociales auront fait leur œuvre, les Européens se souviendront de leurs 2000 ans d’histoire commune et sauront prendre leur juste place dans le monde multipolaire qui forcément, tôt ou tard se mettra en place.
Pierre Chastanier