Le rêve de tout Président de la République est évidemment de rassembler les Français. Ce fût le cas du Général avec son « RPF », de Valérie Giscard d’Estaing avec ses « 2 Français sur 3 », de François Mitterrand avec son « Union de la Gauche » et d’Emmanuel Macron avec son « Ni Droite Ni Gauche »
La tâche est rude car nous sommes un peuple facilement divisé, ce qui déjà nous valut une cuisante défaite face aux Romains il y a 2000 ans.
Nous nous y employons encore avec délice, témoin ce fabuleux coup de Jarnac de François Mitterrand qui en 1986 trouva le moyen de glisser le ver dans le fruit d’une Droite qui avait été au pouvoir sans interruption pendant près de 30 ans en forçant les médias à accueillir Jean-Marie Le Pen
Depuis les restes de la Droite Gaulliste en perdition refusent tout accord avec le RN et même avec Éric Zemmour qui s’estime pourtant aujourd’hui être le seul à pouvoir réussir « l’Union des Droites » (Valérie Pécresse selon lui ne le voulant pas et Marine Le Pen, selon lui, ne le pouvant pas).
Pas plus que ses prédécesseurs Emmanuel Macron n’a pu jeter les bases d’un rassemblement solide puisque même si les circonstances le servent il ne peut compter directement que sur 30% des Français et sa LREM n’a réussi, à aucune des élections intermédiaires, à s’implanter durablement sur le terrain.
Que va-t-il donc se passer dans 15 jours ?
On a l’habitude de dire, s’agissant des élections présidentielles : « Au premier tour on choisit, au second tour on élimine » !
La Droite, si l’on additionne les voix de ses différents candidats, Marine Le Pen, Éric Zemmour, Valérie Pécresse, Nicolas Dupont-Aignan est largement en tête du choix des Français (presque la moitié des intentions de vote exprimées dans les sondages).
La Gauche est plus déchirée que jamais (25% des sondages) Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel, Yannick Jadot, Anne Hidalgo, Philippe Poutou, Nathalie Artaud et même si Jean-Luc Mélenchon peut espérer progresser en prônant le vote utile, son Union Populaire pas plus que les autres ne constitue aujourd’hui un véritable rassemblement.
Certes Emmanuel Macron (30% des sondages), même si la guerre d’Ukraine devait s’estomper dans les prochains jours (et rien ne nous laisse espérer cette accalmie) bénéficiera grandement de l’absence de campagne qu’elle aura entraînée et, lui évitant de justifier son médiocre bilan, il aura ainsi de fortes chances d’être reconduit.
On se dirigera alors vraisemblablement vers un second tour Macron - Le Pen qui, même s’il est plus équilibré que la dernière fois, laisse peu de doutes sur le résultat.
Les LR risquent de finir de se déliter, certains rejoindront Emmanuel Macron, peut-être même derrière Valérie Pécresse si le Président reconduit laisse entrevoir des perspectives alléchantes (le Premier Ministre de 2017, Edouard Philippe n’était-il déjà pas un transfuge des LR ?)
Si c’est le cas et si l’autre moitié des LR, derrière Éric Ciotti, décide de rejoindre une « Union des Droites » telle qu’essaie de la promouvoir Éric Zemmour, les forces réellement en présence pour les législatives seraient alors :
- LREM 30% d’Emmanuel Macron + la moitié des LR (5%) soit autour de 35%
- Union des Droites 30% de Marine Le Pen + Éric Zemmour + l’autre moitié des LR (5%) + 2% Dupont-Aignan soit autour de 37%
- Le reste à Gauche toujours désunie autour de 25%
Ne parlons pas des Jean Lassalle et autres fantaisistes !
Les chances d’être au second tour de Valérie Pécresse (sur qui s’acharne le sort avec la Covid), d’Éric Zemmour trop élitiste pour les uns, trop agressif pour les autres, ou de Jean-Luc Mélenchon malgré ses qualités tribuniciennes sont quasi nulles.
Marine Le Pen qui pour dédiaboliser l’ex FN a pris suffisamment tôt un virage populiste bénéficie aujourd’hui de l’atteinte agressive du pouvoir d’achat ressentie par les classes modestes.
Mais si sa performance contre Emmanuel Macron la place trop en avance par rapport à Valérie Pécresse et Éric Zemmour elle voudra tenter aux Législatives un ralliement des forces de Droite sous ses propres couleurs : Mission impossible !
Seul un score à peu près équilibré au premier tour entre les trois leaders de la Droite permettrait ce retour raisonnable à l’Unité et « l’Union des Droites » n’aurait plus à accepter d’être artificiellement divisée par la Gauche entre une Extrême-Droite (on n’a pas le droit de parler d’Extrême-Gauche !) et une Droite dite Républicaine comme si Marine Le Pen et Éric Zemmour ne l’étaient pas !
Il vaudrait finalement mieux que Jean-Luc Mélenchon réussisse son pari du vote utile pour que l’Union Populaire avec un score d’environ 20% soit ainsi présente au second tour car alors l’Union des Droites (s’unir ou mourir) aurait définitivement l’obligation de se refonder pour pouvoir espérer triompher aux Législatives malgré le vote traditionnel en faveur du Président élu.
Une perspective de cohabitation que finalement ne détesteraient pas les Français.
Pour l’Union des Droites l’espoir d’une victoire aux Législatives
Pour l’Union Populaire la prise de conscience de la nécessité pour elle-aussi du retour à une Union sociale-démocrate
Pour LREM après le départ obligé en 2027 de son fondateur, l’annonce d’une décrue à « l’Horizon d’Edouard Philippe » ou le ralliement après scission aux deux grandes forces conservatrices et progressistes finalement nécessaires au bon débat démocratique !
Pierre Chastanier