La Grande Loge des Cultures et de la Spiritualité s’affirme Théiste, Mixte et Laïque. Ces valeurs ont également une valeur spirituelle. Aussi nous entendons consacrer une lettre à chacune de ces valeurs.
Editorial - Lettre Février 2021
Pourquoi sommes-nous théistes ?
Le mot est le plus souvent mal compris.
Le théisme est une conception qui affirme l'existence d'un principe transcendantal à la fois personnel et cosmique, unique et cause du monde. Le théisme a pu être religieux. C’est un cas particulier où le mot vient alors du grec theos, dieu. Pour les francs-maçons, le terme est beaucoup plus général, « universel », recollant les multitudes (versus) dans le Un. Le mot vient alors du grec theia, la course « révélant » les lois connues, inconnues, connaissables ou inconnaissables de l’Univers. On le qualifiera par contraste, facilité et référence au siècle dit des Lumières de théisme philosophique. Dans le premier cas, la relation de l'homme avec le tout, Dieu par exemple, passe par des intermédiaires notamment la religion. Selon le théisme philosophique ou maçonnique, la lumière primordiale, le Logos (ce qui logue tout), la raison transcendante régit l'univers directement et nous le révèle par l’expérience sensible de notre espace-temps. Il fait un lien entre le soi profond, l’autre, d’où l’expression « l’autre en soi » et l’univers (fronton de Delphes).
En ce sens le théisme est opposé à l'athéisme primaire comme cela est précisé dans les Constitutions d’Anderson.
Quand il est fait usage du terme « dieu » dans nos loges, il est en réalité fait référence à la philosophie du Logos, qui était « ex cathedra » (au commencement), qui était « avec Dieu » le principe de création qui fait passer du Un au Deux, qui donc pour les hommes « était Dieu », qui est à l’origine de « tout », de « la vie » et qui s’est incarné. Ainsi énonce le Prologue de Jean 1,1-4, lu à l’ouverture de la quasi-totalité des loges, lieu d’incarnation ou de révélation en soi du Logos. Il existe une infinité de façon de comprendre ce prologue, d’où peut-être son universalité.
Cette notion de Logos a été inventée par Héraclite à Ephèse avant que saint Jean ne la reprenne en ce même lieu, 6 siècles plus tard. Elle est fondamentale et superpose diverses approches : il s’agit à la fois du verbe, de la parole, du sens, de la rationalité, des lois, de l’intelligence, de la connaissance, etc. Cette « lumière » est essentielle (Jn 1,5) au fondement de toutes les cultures compatibles avec la franc-maçonnerie, son idéal de conciliation de la raison et de l’inconnaissable et donc de toute la science moderne.
Désormais, on ne recourt plus aux dieux ou aux forces magiques pour expliquer le monde mais c’est par l’analyse raisonnée de l’expérience qu’on entreprend de le faire et cette rationalité est aussi le socle qui rend possible le dialogue sur un terrain commun, à partir de ce Logos qui « éclaire tout homme » (Jn 1,9).
La maçonnerie ne se fonde pas sur la politique ; elle se base sur la connaissance. Elle vénère cet Être, cette lumière, qui se trouve au fondement de tout ce qui existe, la "Lumière divine véritable". La franc-maçonnerie aujourd’hui comme hier pose clairement l’option pour la priorité de la raison et du rationnel, tout en posant le principe transcendantal dénué de superstition et compatible avec la Raison.
A l’inverse, les visions matérialistes refusant l’idée d’un monde issu du Logos sont obligées de croire que la raison naît fortuitement de l’irrationnel et que l’irrationnel est au fondement de tout. In principio erat Verbum - au commencement de toutes les choses il y a la force créatrice de la raison.

Aujourd’hui, dans un monde plus complexe, imprévisible et dangereux que jamais, il est essentiel de revenir au Logos, qui est le seul moyen de rejoindre le monde réel. On manque de temps, de moyens d’investigation ou de données pour connaitre vraiment les sujets difficiles qui impliquent de nombreux acteurs, avec des intérêts parfois très divergents, des mensonges et manipulations liées à ces conflits d’intérêts et de nombreuses inconnues, par exemple pour la question des traitements du Covid19 ou du vaccin. La pratique d’Internet et des réseaux sociaux nous confine dans un monde parallèle fait d’entre soi, accentué par des algorithmes qui jouent à des fins commerciales sur nos penchants. Ainsi se créent des bulles irrationnelles, dans lesquelles on peut s’enfermer favorisant la diffusion rapide de fake news.
Aussi l’irrationalité et l’idéologie sont présentes partout. Il est devenu encore plus impératif de réfléchir de manière indépendante et sur des bases rationnelles. Cela nécessite de disposer de moyens d’enquête, de diversifier les sources, de confronter les points de vue, d’avoir l’humilité de reconnaître parfois qu'on ne sait pas, d’organiser des débats, d’accepter les remises en cause, la soumission au réel, les affirmations graduées.
Le théisme proactif que pratique la GLCS est une des voies. Il est une manière d’être bien équilibré dans le monde et de rester à distance de toute tentation irrationnelle. Il faut espérer que le confinement des corps prenne bientôt fin. Il restera à sortir également de celui des esprits. Nous avons ensemble à faire ce travail en retrouvant le chemin présentiel des ateliers.
Ensemble, avec chacun des autres en soi.
Christine Sauvagnac Grand Maître de la GLCS | |