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Edito de Pierre Chastanier : Pourquoi ? 25/8/2022
   

Pourquoi ?   

Un de nos fidèles amis me tarabuste en me faisant la sempiternelle remarque :

Ce qui importe ce n’est pas ce qui devrait être fait, mais pourquoi et comment ce qui devrait être fait ne l’est pas »

Mon objectif, modeste, est de contribuer à éveiller les consciences en constatant les manquements graves qui caractérisent les 50 dernières années de la politique française et d’essayer de montrer par des exemples concrets qu’une autre politique est possible.

Mais notre ami lecteur a totalement raison lorsqu’il se demande pourquoi ce qui devrait être fait ne l’est pas !

La cause principale à mes yeux réside dans le fait que les politiques, à tous les niveaux, veulent d’abord et avant tout « durer » et sont prêts pour cela aux compromis les plus sordides.

Il est loin le temps où le Général acceptait, alors que rien ne l’y obligeait, de quitter le pouvoir le 28 avril 1969 au lendemain d’un référendum où les forces de Droite, Pompidou, Debré et Giscard en tête avaient largement contribué par leur « Oui Mais ! » à savonner la planche de celui qui voulait leur imposer sa « participation ».

On trouve déjà là une première réponse à la question posée.

Le Général, en affirmant qu’entre le régime communiste et le capitalisme libéral « tout commande à notre civilisation de construire un nouveau modèle qui règle les rapports humains de telle sorte que chacun, pour sa part, soit responsable de l’œuvre collective dont dépend son propre destin » appelait la France libre dès avril 1942 à une révolution « la plus grande de son histoire, que la France, trahie par ses élites dirigeantes et par ses privilégiés,…devait accomplir  pour établir un régime économique et social « où les libres groupements de travailleurs et de techniciens soient associés à la marche des entreprises ».

L’oligarchie ploutocratique, avant même la libération de la France qui avait amené De Gaulle une première fois au pouvoir, considérait que cette réforme potentielle, invoquant une « participation aux profits risquait tout à la fois de réduire les investissements et de décevoir les bénéficiaires » (Raymond Aron).

Manipulés par un patronat frileux qui exigeait surtout que rien ne change, une large majorité de parlementaires gaullistes sabordèrent le projet par une opposition sournoise, confortée par l’ironie des socialistes et des communistes et par l’incompréhension des syndicats.

C’était la première marche du triomphe de l’ultra capitalisme qui, une fois les illusions de 1968 retombées sur une jeunesse vite refroidie, passés les chocs pétroliers, les crises, la fin de la guerre froide, l’accouchement dystocique de l’Europe, les guerres du Golfe, allait irrémédiablement pousser les Nations occidentales, manipulées de façon souterraine par les grands lobbies financiers à travers les médias dont ils avaient pris le contrôle, vers une mondialisation forcenée où les multinationales trouveraient l’opportunité unique de s’exonérer des barrières sociales, tarifaires, fiscales et douanières qui entravaient encore leur incessante quête de profit.

Peu importait que les classes populaires souffrissent des licenciements boursiers, que les Etats fussent spoliés des recettes fiscales, juste retour pourtant des aides soigneusement négociées par des subsidologues avides, les délocalisations vers l’Asie du Sud-Est allaient brutalement démontrer, s’il en était encore besoin, que la concurrence libre et non faussée pourtant prônée par leurs séides de part et d’autre de l’Atlantique n’était qu’un songe creux et que la disparition des frontières allait permettre de remodeler massivement l’implantation géographique des usines pour profiter des bas salaires de populations taillables et corvéables à merci , des pratiques fiscales discriminatoires, des libertés avec l’environnement, pour donner naissance à une nouvelle règle ultra libérale :

 

« Produisons dans les pays émergents, vendons aux pays occidentaux tant qu’ils sont solvables, constatons nos profits dans des paradis fiscaux… » !

 

Et tant pis si un chômage endémique devait en résulter, laminant les classes moyennes et appauvrissant de plus en plus les classes laborieuses, ouvriers et agriculteurs, réduits à la seule règle qu’on pouvait leur tolérer, celle d’une assistance sociale généralisée :

« On te paie (un peu) pour que tu te taises » !

Jamais la spéculation boursière n’a atteint de tels sommets. Quand les Français entendent annoncer que la fortune de Bernard Arnaud a doublé pendant le Covid, ils devraient bien comprendre qu’en plein confinement ses ventes, elles, n’ont pas doublé.

Selon François Morin, les transactions de l’économie dite réelle, estimées par le PIB mondial, ne représenteraient guère plus de 2% de l’ensemble des transactions (financières et réelles), soit 50 fois moins que les échanges spéculatifs qui, pour ce qui concerne les seuls échanges d’actions, sont 100 fois moins importants que l’investissement !

La généralisation d’Internet a transformé la planète (et en particulier le système bancaire) en un gigantesque Casino où les échanges de devises représentent désormais 25 fois le PIB mondial !

Où sont les grands capitaines d’industrie, les Renault, les Ford, les Rockefeller qui bâtirent des empires ?

Les grands managers pilotent désormais leurs entreprises, les yeux rivés sur les cours de Bourse qui valoriseront leurs Stock-options. Peu importe où se situent leurs centres de production pourvu qu’on les laisse « manager en paix » sans impôts, ou le moins possible, sans contrôles, sans douanes, sans code du travail sans règles environnementales et avec le moins de salariés possible !

Ils ont gagné la première bataille de la mondialisation construisant à travers l’OMC un monde sans frontière où chaque jour la part de la richesse mondiale possédée par le 1% des plus riches ne cesse d’augmenter (ils possèdent autant aujourd’hui que les 99% autres).

Et encore, parmi eux l’écart des fortunes est tout aussi gigantesque (0.01% des humains les plus riches, soit moins de 1 million, possèdent le quart de la richesse mondiale ! Certains parmi eux « pèsent » plus lourd que de nombreux Etats. Ils peuvent tout acheter y compris les consciences !

La capitalisation boursière des 4 sociétés du GAFA est supérieure à celle du CAC 40 et à elle seule celle d’Apple dépasse le PIB de la Suisse !

Quel peut être à ce niveau le poids d’une revendication syndicale, d’une manifestation contre les licenciements boursiers, d’une crainte de la jeunesse pour son avenir.

 

 

Ça tiendra bien encore quelque temps …avant que tout n’explose !

 

Une deuxième réponse réside dans la manière de gérer les échéances électorales

Je l’ai dit plus haut : « Il faut durer » Durer pour ajouter les retraites aux mandats, bénéficier des avantages inouïs d’une République bonne fille, user d’une influence si facilement « négociable » quand on est « aux affaires ». Cela a diverses conséquences :

D’abord pas de vagues (ou le moins possible). Qui prendra par exemple le risque de faire cesser l’insécurité dans les quartiers, le trafic de drogues, le travail au noir, les fraudes sociales et fiscales qui ruinent nos économies ? Qui rétablira dans les territoires perdus de la République la force de la Loi contre les dérives mafieuses ou communautaristes ?

Sûrement pas ceux qui par tous les moyens cherchent à capter les voix de marginaux actifs qui savent qu’on peut tout vendre y compris un vote. On se souvient d’un grand industriel français qui comme son père et son fils voulait aussi être un élu (on se demande bien pourquoi) et qui faisait distribuer des billets de banque dans les quartiers sensibles de sa ville de banlieue par d’authentiques voyous.

Dans certaines métropoles l’électorat islamo-gauchiste a acquis une telle importance que divers édiles (parfois même de droite) se disputent leur clientèle. On multiplie les emplois locaux au-delà du raisonnable ce qui garantit le vote des familles au détriment des finances locales. On ferme les yeux sur les situations les plus rocambolesques reposant sur un assistanat social souvent abusif (74 millions de Cartes Vitales circulent dans un pays de 64 millions d’habitants).

Et tant pis si nos campagnes souffrent (les agriculteurs sont de moins en moins nombreux)

Durer signifie, le mieux possible d’où le cumul des mandats et le plus longtemps possible d’où l’obstruction au renouvellement démocratique qui ferait « respirer » la République.  

Ces élus dociles qui veulent durer à tout prix, ce patronat puissant et habile qui tel Tancrède dans « Le Guépard » affirme « Si nous voulons que tout reste tel que c'est, il faut que tout change » vont être pourtant confrontés à un mouvement populiste qui s’est déjà manifesté chez plusieurs de nos voisins et qui sans la Covid aurait sans doute perduré en France (s’il ne reprend pas dès la rentrée).

Aurons-nous l’intelligence de trouver un juste équilibre entre l’avidité insatiable des uns et la fureur revendicatrice des autres ?

C’est ce qu’au sein de nos associations humanistes nous devons par un dialogue tolérant, essayer de promouvoir.

 

Pierre Chastanier