Lettre de novembre 2021
Une lecture spirituelle de nos fondamentaux
Editorial d'automne
Mes biens aimés S:. et F:., mesdames, messieurs, amies, amis,
Nous vivons une crise mondiale qui amorce un changement radical de civilisation. À l’égal de la peste justinienne qui avait annoncé la décadence romaine, ou de la Grande Peste de 1348 qui a précipité la fin du Moyen Âge, le coronavirus accompagne la mort du rationalisme progressiste dominant depuis Descartes. Il n’en est pas la cause, mais il révèle la profondeur des mutations en cours. Le coronavirus n’est que la modalité d’une crise sociétale qui touche toute la planète.
On peut légitimement se demander ce que deviennent les valeurs « enseignées dans le temple à porter à l’extérieur » dans ce cadre. Sommes-nous parvenus à la saturation d’un ensemble de valeurs de plus en plus désuètes – comme le dit notre frère Michel Maffesoli ? Sont-elles à jeter comme nous le montre, à l’évidence, les faits où elles se trouvent systématiquement bafouées ? Modalité d’un changement de paradigme bien plus profond ? Certainement. Mais faut-il pour autant tout détruire, comme le veut la « cancel culture » ?
Évidemment non ! Ce qu’il faut changer, c’est la lecture que la société du pouvoir établi en a fait et continue d’en faire comme la litanie d’un catéchisme qui a perdu ses repères. Aussi bien, édito après édito, j’insiste, et nous insistons tous, sur la lecture spirituelle de ces valeurs, sur leur quintessence.
Je souhaite y revenir, car c’est là l’une des spécificités de notre obédience où les valeurs républicaines de liberté, égalité, fraternité, éclairent son identité : théisme, mixité, laïcité. On pourrait ajouter travail et attachement à la terre qui a hébergé ancêtres, parents, et sa propre famille.
Lors des lettres précédentes, j’ai tenté de montrer que notre référence à un principe transcendantal supérieur formait notre clef de voute. Car la laïcité, comme la mixité ou le triptyque républicain doivent, dans les loges de la G⸫L⸫C⸫S⸫ être compris dans leur acception purement spirituelle, hors des habits que leur donne la doxa ou une certaine lecture du progrès. Ce qui n’empêche pas qu’il leur faille revêtir les habits du temps, et c’est là affaire d’engagement personnel hors du temple.
Cela touche les notions présentées dans nos rituels qu’il faut lire avec des yeux neufs, des yeux d’initiés, les yeux du cœur, ceux d’un nouveau départ ou d’un retour à la source du sens. Ainsi nous disons « Gloire au travail ». Mais il ne s’agit pas de la « Valeur-travail », idée qui apparaît au 19e siècle, qui affirme que le travail est le pivot de l’organisation de la vie sociale et que c’est grâce ou par le travail social que l’homme moderne se libère et se construit. Non, nous parlons ici du travail sur soi comme valeur libératrice dans le rapport à l’autre.
Prenons, par exemple, deux concepts actuels et éclairerons-les du regard de la G⸫L⸫C⸫S⸫ :
¾ Rationalisme. Certes nous invoquons la raison, mais nous récusons la tentation de réduire toutes les formes de la vie à des schémas rationnels, à une rationalisation généralisée et systématisée de l’existence qui aboutit à la sécheresse du cœur et à un « désenchantement du monde » (Max Weber). Il faut au contraire réenchanter le monde avec l’art revisité, l’imaginaire non séparé de la vie courante.
¾ Utilitarisme. Nous récusons également l’idée que n’a de valeur que ce qui sert à quelque chose. Aussi bien la prétention toxique de maîtriser la nature, que cette ingénuité qui prétend que les progrès d’une civilisation triompheront de la barbarie et nous offriront des lendemains qui chantent. À cela nous opposons l’idée qu’il faut faire de sa vie, particulièrement dans l’égrégore et la dynamique de la loge, une œuvre d’art.
Nous pensons en effet que tout ce qui est réel n’est pas nécessairement rationnel (au sens que la science donne à ce mot), mais doit rester sous la tutelle de la Raison ; qu’il faut s’efforcer de réintégrer l’esthétique, le ludique, l’onirique ; et que nous devons nous inscrire dans un horizon de valeurs tout en détendant notre énergie dans l’intensité du moment présent. C’est ce que nous apprenons à faire dans l’espace sacré, coupé des soucis profanes ou en unité comme dans la chaîne d’union.
Ce que nous nous proposons, c’est d’aimer la vie, pour s’aimer soi-même et au final aimer les autres et la création. Ce ne peut être que l’œuvre de tous. Et c’est une joie et un honneur que d’y contribuer avec chacun de vous, mes Sœurs et mes Frères.
Christine Sauvagnac
Le Grand Maître

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