C-I-U       Pages-texte        S'abonner        Menu Lettres       Smartphone
Weblettre



Editos Pierre Chastanier - La France, l’Amérique, l’Australie ! 20/9/2021
   

La France, l’Amérique, l’Australie !   

Chacun a en tête l’aide appréciable apportée par La Fayette aux Américains lors de la guerre d’indépendance. Ils nous l’ont bien rendue en 1917 (tout en apportant malheureusement avec eux le virus de la Grippe espagnole !) et en 1944 (après avoir été sérieusement touchés à Pearl Harbour).

On sait moins que par deux fois la France et les USA se sont violemment opposés :

Une première fois en 1830 lors d’une demande de compensation relative à l’embargo napoléonien de 1806 contre l’Angleterre. Elle fut suivie en 1834 d’une rupture des relations diplomatiques. Cette « quasi-guerre » remplaça jusqu’en 1917 l’amitié par le ressentiment !

Une deuxième fois en 1919 après le Traité de Versailles lorsque les Américains demandèrent à la France de rembourser les emprunts de guerre et que celle-ci répondit « l’Allemagne paiera » !  Conflit qui reprit de plus belle après 1946 et le Plan Marshall (les Américains nous ont prêté contre remboursement un montant correspondant aux 330 Tonnes d’or du trésor nazi sur lequelles ils avaient discrètement fait main basse !)

Nous voilà donc au seuil d’un troisième conflit à la suite du partenariat de sécurité conclu entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie qui prévoit de fournir aux Australiens des sous-marins à propulsion nucléaire, au détriment du français Naval Group.

Je ne reviendrai pas sur la « grande déception » de notre industriel pour la rupture brutale de ce « contrat du siècle » et je n’ironiserai pas sur les violentes attaques de l’Australie, pionnière de la prolifération antinucléaire, contre la France lorsque celle-ci conduisait des essais nucléaires dans le Pacifique.

Je rappellerai que notre pays possède le deuxième domaine maritime mondial et qu’avec la Réunion et Mayotte dans l’Océan Indien, la Nouvelle Calédonie et la Polynésie française dans l’Océan Pacifique, elle est, plus que les USA, concernée par la géopolitique de cet immense espace maritime et je n’épiloguerai pas non plus sur le « coup dans le dos » et la « confiance entre alliés trahie » selon les expressions de Jean-Yves Le Drian et d’Emmanuel Macron.

Mais quelle légèreté de l’exécutif français qui refuse de comprendre :

Que les Australiens, membres du Commonwealth, au lendemain du Brexit se sentiront infiniment plus soutenus contre la Chine par les USA que par la France !

Que les pays de l’Europe de l’Est y compris l’Allemagne alors qu’on se gargarise du « couple » Franco-Allemand, feront de même et que ce n’est pas de ce côté qu’on peut espérer voir naître un jour une défense commune européenne.

La France reste toutefois une puissance nucléaire n’en déplaise à certains et sa capacité de dissuasion est réelle.

A elle de développer plus qu’elle ne l’a fait jusqu’à présent sa présence industrielle, halieutique et militaire dans les 11 millions de km2 qu’elle possède répartis sur tous les océans.

« Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts » comme disait le Général De Gaulle reprenant les vieux propos de Lord Palmerston !

Oh ! Bien sûr ! Joe Biden trouvera les mots qui conviennent pour justifier la position des USA tout en faisant croire à la France qu’elle reste un partenaire recherché dans la zone indo-pacifique.

Mais il n’en est pas moins vrai que cet attelage qui va pour la première fois partager une technologie de propulsion nucléaire (ce que ne faisait pas Naval Group) va être jugé par les Chinois comme une décision « qui sape gravement la paix et la stabilité régionales et intensifie la course aux armements ».

Il faudra bien un jour se reposer les questions :

Que faisons-nous au sein de l’OTAN ?

Quelle coopération militaire réelle peut-on espérer de nos partenaires européens qui le veulent : Espagne ? Italie ? Belgique ? Grèce ?

Quel avenir pour des discussions « méditerranéennes » ?

Quels rapports peut-on espérer renouer  avec la Russie ?

Et avec la Chine reconnue par la France en 1964 qui faisait dire au Général « La Chine est un chose gigantesque. Elle est là. Vivre comme si elle n'existait pas, c'est être aveugle, d'autant qu'elle existe de plus en plus » ?

Non, les Etats défendent égoïstement leurs intérêts. Il faudra bien, au-delà de tout angélisme  qu’un jour qu’on le comprenne !


Pierre Chastanier